TOP GUN en 1958
Lors d'une mission en Janvier 1959, mon ailier et moi réussimes ce qu'aucun autre pilote de l'unité n'avait pu faire auparavant.
Après avoir rempli notre mission d'interception du matin au-dessus de la Mediterranée, le contrôle radar qui nous guidait nous appela d'une voix excitée pour nous expliquer que nous étions dans une excellente position pour intercepter le "Gibraltar run".
Le "Gibraltar run", comme nous l'avions surnommé à l'escadron, était un vol de Canberra de la RAF. Leur mission semblait être une patrouille hebdomadaire de leur base de Malte jusqu'à celle de Gibraltar, à une altitude d'environ 55/60 000 pieds. A l'approche de Gibraltar, ils entamaient leur descente tranquillement jusqu'à leur base.
Nos F-86D équipés de réservoirs largables se montraient très efficaces jusqu'à une altitude autour de 40/42 000 pieds. Au-dessus, leur capacités se détérioraient rapidement. Même en larguant nos réservoirs, nous ne pouvions être efficaces que jusque vers 48 000 pieds. Par conséquent, le seul moment où le "Gibraltar run" était vulnérable se situait pendant leur descente d'approche. Au moment où cette histoire se passe, nous étions équipés de deux réservoirs additionnels de 120 gallons et de nos vingt-quatre rockets de 2,5 pouces.
Aussitôt après l'appel de notre station GCI (Ground Control Intercept), mon ailier sur mon aile gauche et moi-même débutâmes un virage vers le Nord. Le radar au sol nous informa que les Canberra britanniques commençaient leur descente vers Gibraltar et étaient à une altitude de 38 000 pieds. L'excitation était audible dans la voix de notre contrôleur.
Des couches de brumes s'étalaient à diverses altitudes. Le contrôleur au sol nous donna un cap vers la gauche pour nous rapprocher de notre cible. Mais l'angle d'approche était tel que je n'avais pas le temps de nous placer pour une bonne interception. J'avais le visuel sur eux à environ cinq milles. Je manœuvrai pour pour me placer à leur droite, tandis que mon ailier se plaçait sur leur gauche.
Lorsque je fus à moins de dix yards, je pus parfaitement voir le pilote anglais dans son cockpit. Il semblait avoir la tête baissée, sans doute pour surveiller son radar ou ses instruments. Je me plaçais lentement sur son côté et légèrement au-dessus pour attirer son attention, car il ne m'avait pas encore vu! Aucune réaction de sa part... J'essayai de l'appeler sur la fréquence internationale d'urgence mais toujours aucune réponse...
Mon ailier me signala par radio que notre niveau de carburant baissait et que nous étions descendus à 32 000 pieds. Comme je voulais absolument que l'anglais me voie avant de repartir, je passais sur le dos, au-dessus de lui et le regardai du haut de ma position. L'ombre de mon F-86 au-dessus de son cockpit lui fit enfin lever les yeux vers moi. Je lui fis alors un signe de la main gauche et continuai mon tonneau, puis nous prîmes notre cap de retour vers le Sud.
Le radar au sol signala à toute la base que nous avions intercepté le "Gibraltar run"! Quelques uns des anciens de notre escadron se montrèrent légèrement vexés que des petits jeunes comme nous aient pu réussir ce que nos pilotes anciens n'avaient jamais pu faire auparavant. Nous fumes cependant félicités par le major Glasow et le capitaine Dunn pour cette belle interception.
Le tonneau et vol inversé au-dessus de la cible étaient une manoeuvre digne du film "Top Gun". Mais j'étais quand même à plus de dix mètres au-dessus pendant mon vol inversé et non pas à deux mètres comme dans le film.
(Merci à William Reynolds, jeune pilote au 324th FIS à Slidi Slimane en 1958/59, indicatif TIGER 24 pendant sa formation de pilote)
(Photo W. Reynolds, Tiger 24)
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